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Histoire de la Fontaine des Mamans

texte de Bernard Polge

Au Mas Dieu            

coule une fontaine…        

À l’époque où notre Société met en vitrine la solidarité, la générosité, mais où le chacun pour

soi fait recette dans l’arrière-boutique, il est bon de connaître et de raconter l’histoire de

Charles Blanc et de La Fontaine des Mamans.

Qui ne la connaît pas cette Fontaine, à la sortie du village du Mas Dieu, en direction Alès ; on

trouve facilement le robinet sur la droite, en bordure de la route ; mais pour découvrir le

réservoir en forme de monument qui lui a été érigé, il faut monter quelques mètres et écarter

les buissons qui veulent nous la faire oublier.

 

C’était il y a bien des années, Charles Blanc, habitant dans notre petit village, décidait de

traverser l’Atlantique. Était-il tenté par le rêve américain, voulait-il fuir quelque chose ? Il est

difficile de connaître les motivations profondes de celui qui s’en va, elles lui appartiennent,

mais la décision de partir est une rupture souvent enfantée par la souffrance.

En ce temps-là, les habitants du Mas Dieu ne disposaient pas de gros moyens pour s’alimenter

en eau. Un tel avait sa citerne, un autre, son puits, mais tous faisaient des va-et-vient à la

« Font de Laval » sous le Mas Dieu.

 

Nos anciens s’en souviennent, il suffit d’écouter « l’Edmond Laupies » en parler. L’eau, c’était

un problème d’intérieur, de ménage, que les femmes devaient résoudre avec l’aide des

enfants. Il en fallait pour boire bien sûr, pour faire la soupe, pour se laver -n’oublions pas que

les maris pour la plupart étaient mineurs- et pour faire la lessive mais il n’y avait pas de

douches et encore moins de machine à laver. L’eau, elle ne venait pas à domicile, ce n’était

pas non plus des chiffres sur un relevé de compteur. L’eau, il fallait aller « se la chercher »,

c’était une préoccupation et un effort quotidien pour se la procurer et pour la conserver.

 

Les yeux d’Edmond ne distinguent plus trop bien ni les choses ni les gens, mais ses pensées

sont claires et le geste « du Charles Blanc » lui arrive de l’ancien temps comme une bouffée

d’air pur, et les images qui l’accompagnent sont en couleur et leurs contours bien dessinés.

 

Notre Charles Blanc, de l’autre côté de l’océan, n’avait pas de grand projet pour changer le

monde ni de recette miracle pour faire le bonheur des gens. Mais après avoir gagné de l’argent

dans la restauration, il décida à un moment donné de sa vie d’aider ses contemporains tout

simplement dans leur vie de tous les jours. Peut-être l’avait-il promis à son épouse Marie-

Louise née Thibon, elle aussi originaire du Mas Dieu et morte prématurément. Lui qui se

trouvait à des milliers de kilomètres pensait à travers elle aux habitants du Mas Dieu au milieu

desquels il était né, il pensait à ces enfants au milieu desquels il avait grandi, partagé la corvée

d’eau, porté les fameux trois, six ou huit litres.

 

Il pensait à tous ces gens qu’il retrouverait bien un jour ; mère patrie ou mère biologique,

l’homme est toujours un enfant qui aspire à retrouver ses racines.

 

Charles fit don à la commune de Laval Pradel d’un terrain sur lequel se trouve la source et

d’une somme d’argent. Les instructions qu’il donna étaient d’amener l’eau dans le village et

de refaire le toit de l’église. Son projet réunissait le spirituel et le concret. Un comité fut créé

pour gérer et mener à bien cette opération peu banale. Le toit de l’église fut remis à neuf,

l’eau fut amenée dans le village, trois bornes furent installées pour desservir au mieux la

population. On voit encore leurs emplacements, l’un devant l’église, l’un devant la maison

Thibon dans le milieu du village, et l’autre à côté du grand portail en fer, face à l’ancienne

« Coop ».

 

La Compagnie des Mines de la Grand-Combe détacha des ouvriers qualifiés pour participer

aux travaux. Edmond Laupies se souvient de certains du Mas Dieu qui en faisait partie : Veau

Albert, Chaptal Camille, Laupies Jules, Favier Marcel. Deux WC publics furent construits, l’un

vers l’abri du Georges Maleysson et l’autre vers le garage du César. Les travaux terminés,

l’inauguration de la Fontaine des Mamans eu lieu le 6 août 1928.

 

La vie quotidienne des villageois se trouve transformée ; ce progrès enlevait « de la peine »

aux mamans et donnait aux enfants un peu plus de loisirs.

 

D’autres progrès suivirent bien sûr et d’autres évènements se succédèrent, plus importants à

l’échelle du Mas Dieu et du monde, mais le geste désintéressé de Charles Blanc resta dans la

mémoire collective du village.

 

Charles Blanc est mort en 1955, il repose avec son épouse dans le cimetière du Mas Dieu à

côté de l’église.

 

La « Fontaine des mamans » existe toujours, mais sa source est convoitée. Cette source est la

propriété de TOUS. Tous : ceux du village qui s’en servent encore pour la soupe, ou pour boire

et qui ne veulent pas croire qu’elle est non potable… à vie. Tous : ceux d’ailleurs, les

randonneurs anonymes, à pied ou à vélo qui s’y désaltèrent ou s’y rafraîchissent.

 

Notre source a accompagné bien des Mas Divins, du berceau au tombeau, et elle a rendu bien

des services, pour mémoire les problèmes sur le réseau pendant l’hiver 1973. Le village est

resté 15 jours sans électricité et sans eau… les pompes étaient en panne. Elle a un intérêt

d’utilité publique qui doit être reconnu et respecté. Il est de notre devoir et du devoir de nos

représentants élus de mettre en valeur cette partie de notre patrimoine communal et de la

défendre contre toutes formes de danger qui peuvent menacer à terme son existence.

 

Le voeu de nos anciens étant respecté, le devoir de mémoire accompli, nous laisserons à nos

enfants la preuve si besoin était que parmi les hauts faits, ceux des armes ne sont pas les seuls

à mériter des monuments. Merci MONSIEUR GEORGES BLANC.

BERNARD POLGE

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